Article de blog par David Moser

La planification de l’usine : le « détour » par l’usine idéale

Dans le conseil en Lean, je suis régulièrement confronté à la question de la « planification de l’usine ». Il peut s’agir à la fois de la planification d’une usine toute entière, d’une division ou seulement d’un service.

Néanmoins, la procédure est toujours la même et comprend les étapes suivantes :

  1. Définition des objectifs visés
  2. Analyse de l’état actuel pour déterminer les familles de processus-produits
  3. Spécification des prémisses
  4. Elaboration et pondération des critères d’évaluation
  5. Détermination de l’usine idéale
  6. Identification des conditions marginales
  7. Création de variantes d’usine réelle
  8. Evaluation de ces variantes
  9. Choix d’une variante
  10. Etablissement d’un plan de mise en œuvre

 

Remarque : j’entends ici par planification de l’usine uniquement la planification d’une structure optimale. Mon but n’est pas de dimensionner des climatisations ou des étais. Cela ne relève pas de mon champ de compétence.

1. Définition des objectifs visés

Au début du projet de « planification de l’usine », il s’agit de définir les objectifs à remplir par la structure. Les objectifs les plus souvent cités sont le flux de matière, la transparence, l’« usine modèle ». Il convient de déterminer les indicateurs servant à mesurer les objectifs. Ce n’est pas toujours très simple (par exemple, qu’est-ce qu’un « flux de matière optimal » concrètement parlant ?).

2. Analyse de l’état actuel pour déterminer les familles de processus-produits

La structure d’une usine axée sur les processus garantit des flux de matière optimum et des cycles courts. Il convient à cet effet de créer des familles de processus-produits et de les prioriser car il y aura toujours des compromis à faire. Tous les produits ne pourront pas avoir le flux de matière idéal. L’analyse de l’état actuel consiste aussi à identifier les flux de matière et de valeurs existants, y compris la logistique.

3. Spécification des prémisses

Les prémisses sont les conditions non discutables à remplir dans tous les cas. Par exemple, toutes les machines doivent être sous abri ou la structure doit pouvoir être modifiée à tout moment sans grandes difficultés. Ou encore les flux de matière ne doivent en aucun cas avoir lieu sur plusieurs étages.

4. Elaboration et pondération des critères d’évaluation

Afin de comparer ultérieurement les variantes de structure définies, on utilise des critères d’évaluation (dans le cadre d’une analyse de la valeur utile). Les critères d’évaluation sont pondérés entre eux à l’aide d’une comparaison par paire, sachant que tous les critères n’ont pas le même degré d’importance. Je définirais au maximum dix critères. L’essentiel est de déterminer des critères qui revêtent un caractère important pour la structure et/ou qui sont différents.

 

Il arrive parfois que l’on définisse des critères qui n’ont aucun effet sur les différentes structures et/ou qui affirment la même chose. Ils sont redondants et ne conviennent donc pas à l’appréciation ultérieure.

 

Je recommande de définir les critères d’évaluation avant de commencer à élaborer la structure. Si la définition des critères d’évaluation a lieu après, on a tendance à choisir des critères privilégiant la variante que l’on préfère. Il n’y a donc plus d’objectivité.

Exemple de critères d’évaluation.

5. Détermination de l’usine idéale

L’usine idéale est une planification selon l’approche « green field » qui tient seulement compte des prémisses et non pas des autres conditions marginales qui existent dans la réalité.

 

Au premier abord, cela ressemble à un détour inutile. L’expérience a montré que ce détour en valait la peine.

 

En effet, quand on passe directement de la situation actuelle à la planification de l’usine réelle, on risque de rester coincé dans les processus existants et de seulement « embellir » la situation actuelle. Passer par l’usine idéale permet de vraiment réfléchir à de nouveaux concepts, autorisant des « breakthrough targets » auxquels personne n’aurait pensé.

Faire un détour par l’usine idéale permet de ne laisser aucun potentiel inexploité.

6. Identification des conditions marginales

L’étape suivante consiste à identifier les conditions marginales existant dans la réalité. Bien souvent, il s’agit de limites en termes d’infrastructure comme les locaux disponibles, les piliers, les limites de poids et de hauteur, les voies d’accès, etc.

7. Création de variantes d’usine réelle

Ce n’est que dès cette phase que sont élaborées plusieurs variantes de structure réelle. Elles doivent être basées sur l’usine idéale en limitant le plus possible les compromis et non pas sur la structure actuelle. Pour ma part, je préfère créer des variantes non pas sur ordinateur mais sur papier à l’échelle 1/50 ou 1/100 en équipe. Pour chaque variante, il convient de marquer les flux de produits pour les principales familles de processus-produits. Il ne faut pas les confondre avec les distances parcourues par le personnel.

8. Evaluation de ces variantes

Les variantes d’usine réelle sont enfin évaluées sur la base des critères définis dans l’étape 4. Pour chacun des critères, on détermine la meilleure variante, la deuxième meilleure, etc. et on attribue des points. Quand il y a trois variantes, la meilleure variante a trois points, la deuxième meilleure en a deux et la moins bonne un seul point. Lors de l’analyse de la valeur utile, ces points sont multipliés par la valeur pondérée par critère et additionnés. On obtient ainsi la meilleure variante. Tout le monde peut effectuer cette « annotation » pour soi-même. Néanmoins, je conseille de le faire en discutant en équipe.

Si la meilleure variante est différente de moins de 20 % de la deuxième meilleure, il y lieu de définir d’autres critères afin de parvenir à un résultat précis.

9. Choix d’une variante

Le choix de la variante est désormais effectué en se basant sur les résultats de l’analyse de la valeur utile. Cette dernière garantit que le choix repose sur des faits vérifiables et non pas sur des sentiments ou des préférences personnelles. Bien souvent, il arrive que l’on élabore encore une dernière variante qui essaye de regrouper les points forts de chacune des variantes. C’est, au plus tard, à ce moment-là que l’on réalise une version électronique de la meilleure variante.

Par souci d’exhaustivité, il convient de préciser qu’il existe aussi bien sûr des fournisseurs de logiciels capables de simuler une usine et les flux de produits à l’intérieur de celle-ci. Cela peut s’avérer utile pour dissocier des variantes équivalentes, mais il faut avoir des connaissances bien précises des commandes, volumes et temps de traitement prévus. Mais généralement, on ne dispose pas de ces connaissances.

10. Etablissement du plan de mise en œuvre

Dans la dernière étape de la « planification de l’usine », il est prévu de mettre en œuvre la variante réelle sélectionnée. Selon la taille de l’usine, il peut s’agir d’un véritable projet en soi.

 

Cette « formule » de procédure systématique fonctionne. Elle se montre efficace quelle que soit la taille de l’usine à planifier.